Col des Arpettes, Remointse de Barneuza

Le Col des Arpettes, 3008m – à ne pas confondre avec la Fenêtre d’Arpette du massif du Trient - est sauvage et peu visité: son nom apparaît le plus souvent dans le cadre de randonnées à skis, ou comme passage occasionnel entre les vallées de Turtmann et d’Anniviers. Bien que balisé bleu-blanc, le sentier du versant anniviard ne dépasse pas la cotation T3 et offre une vue grandiose sur un univers de roc, de neige et de glace.

Le col pâtit sans doute de la «concurrence» de son voisin du nord, la Forcletta (Furggilti). Ce dernier représente un passage bien plus facile entre la Turtmannhütte et le Val d’Anniviers. Ainsi c’est par la Forcletta et non par le Col des Arpettes que passe le Tour du Cervin. Tant mieux pour nous grizzlys! Si on ajoute à cela la longueur du parcours et le balisage bleu-blanc, on comprend mieux pourquoi cet endroit reste un havre de tranquillité alpine.

L’itinéraire est idéal pour les jours de grosse chaleur. La montée matinale vers l’alpage de Barneuza se fait à l’ombre. Et si vous suivez mes conseils prodigués dans le chapitre 2 du livre, votre descente tardive sera baignée par le soleil - jusqu’à environ 19 heures en août!

Le hameau de Mottec, sur la route de Zinal, est le point de départ le plus logique. Juste après le pont sur la Navisence débute le sentier pédestre qui nous conduit, dans un premier temps, à l’alpage de Barneuza. Un pylône dans la forêt est celui d’une installation privée desservant les Mayens de Barneuza. Pas de panique: vous ne verrez pas de touristes en espadrilles montés en télécabine à l’alpage! Le sentier ignore d’ailleurs les Mayens de Barneuza, qu’il laisse dans leur isolement à droite.

Encore quelques zigzags et on sort de la forêt au niveau d’un chalet, vers 2000m environ [1h10]. Le sentier rejoint ensuite une piste d’alpage (panneau Barneuza Alpage, 20 min à droite). Face à soi, le magnifique fond du Val d’Anniviers: Besso, Zinalrothorn, Pointe de Zinal, Grand Cornier et Dent-Blanche, soit une partie de la Couronne Impériale de Zinal.

C’est à l’alpage de Barneuza [2211m, 1h45] que l’on va pouvoir enfin pénétrer en territoire grizzly. Le passeport se présente sous la forme d’un panneau en bois indiquant la direction du Col des Arpettes. On laisse donc de côté les sentiers faciles de l’Hôtel Weisshorn à gauche et de Zinal à droite pour suivre ce panneau et remonter tout le vallon de Barneuza.

Le souci principal sur ce tronçon est de garder la bouche fermée: un nombre invraisemblable de criquets, punaises et autres bestioles bondissent d’un côté à l’autre. Car sinon le sentier est bien tracé et mène sans difficulté à la première bâtisse de La Remointse, un petit chalet tout en bois [2414m, 2h25]. En patois local, une «remointse» désigne un alpage d´altitude où le bétail séjourne quelque temps en été. D’ailleurs des vaches font tinter leur sonnailles de l’autre côté du torrent.

Cent mètres plus haut, l’autre bâtisse de La Remointse est une maison de pierre en ruine, rappelant les «alpe» du Tessin. Entre les deux, la trace se perd un peu et des sentes partent à droite et à gauche. Le plus simple est de se borner à suivre le balisage, trace ou pas trace. En remontant en ligne directe la croupe gazonnée, on atteint La Remointse d’en haut en une quinzaine de minutes [2545m, 2h45].

Le Col des Arpettes est encore à 2 heures de marche. On le distingue au loin, sombre et solitaire. La Remointse de Barneuza est déjà un joli but de randonnée pour les grizzlys moyennement endurants qui rechignent à poursuivre jusqu’au col. Ils manqueront juste le panorama glaciaire offert à l’avant-dernier mètre avant le col et pas avant.

Le chemin est redevenu parfaitement tracé. Il mène à flanc de montagne jusqu’au talweg du vallon, là où s’écoule un maigre torrent. Bien que le décor soit devenu presque entièrement minéral, le balisage bleu-blanc est toujours aussi présent, voire même omniprésent. On n’a pas lésiné sur la peinture par ici, ni sur les cairns. Il est donc aisé de suivre l’itinéraire sur la rive droite du ruisseau. Cela nous amène à une dépression entre l’Omen Roso et les Diablons [2800m env., 3h30]. Deux petits lacs devaient s’y blottir lors de la fonte des neiges mais ils sont désormais asséchés.

Les 200 derniers mètres sous le col sont les plus raides. Environ 30 minutes sont nécessaires pour terminer l’ascension. Des bâtons de randonnée se révèlent utiles dans ce terrain meuble et cette caillasse instable, surtout à la descente. J’insiste cependant sur le fait que jusqu’au bout, le sentier était parfaitement tracé, sans aucun passage périlleux justifiant le balisage bleu-blanc. La descente sur l’autre versant est sans doute plus scabreuse, d’ailleurs les cartes nationales n’indiquent pas de sentier du côté de Turtmann, bien qu’il en existe un.

Une fois arrivé au col des Arpettes [3008m, 4h20], il ne reste plus qu’à goûter à un repos de grizzly bien mérité face à un panorama époustouflant. Immédiatement au sud du col débute l’arête des Diablons. Sur l’autre versant, c’est la vallée de Tourtemagne (Turtmann), dominée entre autres par le Weisshorn, le Bishorn et le Brunegghorn. Le large et plane Brunegggletscher contraste avec le Turtmanngletscher, qui dévale un couloir étroit en une belle chute de séracs. On pourrait apercevoir la cabane de Tracuit s’il n’y avait une arête des Diablons qui la dissimulait. Des bouquetins seront peut-être au rendez-vous: une colonie arpentait la face du Wängerhorn. Le Wängerhorn, soit dit en passant, serait assez facile à rallier depuis le col, pour ceux qui en ont envie.

La descente se fait par le même itinéraire, en environ 2h40. Une variante possible consiste à partir des hauts de Zinal et/ou à redescendre sur Zinal. Entre Zinal et l’alpage de Barneuza, on emprunte alors la section finale de la célèbre course Sierre-Zinal. Moins de dénivelé par cet itinéraire, mais plus de distance, ce qui au total donne un temps de marche équivalent. A noter que le panneau indicateur du col des Arpettes indique des temps de marche fantaisistes: 1 heure pour les Remointses et surtout 3 heures pour l’alpage de Barneuza. J’ignore ce que le préposé aux panneaux, en bon Valaisan, avait bu ce jour-là - Petite Arvine, Johannisberg ou Fendant - mais ça n’est tout simplement pas possible puisque ce temps est le même pour la montée. En moins de 3 heures, on sera sans problème de retour dans la vallée à Mottec.