Pointe de Tsirouc, Grand Plan, Corne de Sorebois

Il n’y a parfois qu’un pas entre beauté et laideur… en l’occurrence quelques centaines de mètres à vol d’oiseau entre la Pointe de Tsirouc et la Corne de Sorebois. « Laideur » est un terme un peu fort pour désigner Sorebois, mais peut-on apprécier de gambader au milieu du paysage balafré d’un domaine skiable ? La Pointe de Tsirouc est le bastion nord de la longue arête séparant le Val de Zinal du Val de Moiry. Bien que s’élevant à quelques encâblures – des encâblures de téléski – des installations de Zinal-Sorebois, elle est rarement visitée par les promeneurs qui ont déjà fait l’effort de monter à la Corne de Sorebois.

C’est lors d’une banale consultation des derniers rapports publiés sur le site hikr.org que la Pointe de Tsirouc a attiré mon attention. L’auteur suisse-alémanique du récit était catégorique : il n’avait rencontré personne de la journée, et d’ailleurs, parmi les milliers de rapports du site, c’était la première mention de Tsirouc. Les maigres résultats retournés par Google ont fini par me convaincre que ce projet de randonnée répondrait vraisemblablement au strict cahier des charges d’un grizzly. Afin d’en faire un circuit plutôt qu’un aller-retour, l’option choisie ici est un itinéraire passant par les pistes de Sorebois. Mais rien n’empêche de réaliser l’ascension de la Pointe de Tsirouc puis revenir sur ses pas.

Il est recommandé de débuter la balade à Grimentz, car le véritable départ du sentier n’est qu’à 10 minutes en contrebas du village, sur la route Grimentz - Mottec – Zinal. Plus exactement, c’est juste après le virage et le pont sur la Gougra qu’on trouvera un sentier qui pénètre discrètement dans les bois. Le panneau ne donne aucune indication de temps, se bornant à pointer dans la direction à suivre: Tsirouc-Sorebois-Zinal.

Nous nous engouffrons dans la forêt des Morasses, en coupant à plusieurs reprises une route forestière. Rester attentif aux indications, toujours suivre Sorebois et Tsirouc alpage. Ce n’est qu’après 1 heure 15 de montée soutenue qu’une clairière se présente [1925m]. Elle nous laisse entrevoir le côté opposé de la vallée, en direction du Col des Arpettes. Avec de bons yeux l'hôtel Weisshorn est également visible.

Retour en forêt, plus clairsemée à présent. A la bifurcation suivante, on prend à droite vers Sorebois. L’état du sentier laisse à désirer, surtout si on a la malchance d’avoir été précédé par le bétail de l’alpage de Tsirouc. Cet alpage à 2206m d’altitude, dénommé Grand Plan sur les cartes nationales, on l’atteint après 2 heures d’un effort continu.

La plus belle partie de la randonnée commence ici, profitez-en. Sorebois est à 1h20, c’est la direction à suivre, du moins jusqu’au prochain panneau. La montée se fait plus douce, dans les pâturages de la combe de Tsirouc. En contrebas à gauche s'étend une zone particulièrement jolie en automne, enchevêtrement de gros blocs et de buissons rouges. C'est vers Le Biolec, une bonne raison d’aller voir ça de plus près sur le chemin de la descente.

Un panneau mentionne pour la première fois la Pointe de Tsirouc [2334m, 2h15]. On laisse donc Sorebois sur sa gauche et on poursuit la remontée de la combe. Ceux qui renonceraient à escalader le sommet – partie la plus difficile - peuvent rejoindre le chemin de descente soit depuis ici par le sentier, soit un peu plus haut par la route d’alpage. La sente peu visible se dirige exactement vers le sommet du jour. Elle dépasse un abri en pierre puis un étang. Des marques bleu-blanc éparses nous mènent au dernier virage de la large piste venant de Sorebois.

Dans la courbe, une flèche rose fluo peut induire en erreur. Elle marque le début d'un bon sentier qui semble monter en direction de l'arête descendant de la Pointe de Tsirouc. Or, le chemin correct, toujours balisé en bleu-blanc, ne se trouve qu’après le virage. Il grimpe le flanc est de la montagne. C’est cette portion-ci, escarpée, qui justifie la cotation T3+ de la randonnée. On rejoint bientôt l’arête, suffisamment large pour nous tenir à bonne distance du versant ouest, raide et délité. Arrivé au sommet [2778m, 3h30], on constante que la montagne est bien moins escarpée qu'on ne l'imaginait. Les eaux turquoise du Lac de Moiry composent le premier plan du panorama, qui englobe également le Weisshorn, le Grand Cornier, et dans la direction opposée, le lointain Bietschhorn.

La variante de descente la plus facile – mais pas la plus courte – passe par Sorebois. On quitte le sommet vers le sud. Après 10 minutes sur la croupe gazonnée on rejoint la large piste carrossable de Sorebois, après 20, ses téléskis et télésièges. Les canons à neige nous font une haie d’honneur à laquelle on reste insensible. Qu’on dévale le domaine tout droit ou qu’on reste sur la route, on finit par se retrouver à la station supérieure de Sorebois [2438m, 4h45]. L'auteur du rapport sur hikr.org avait choisi de finir sa balade ici et de descendre en télécabine à Zinal. Pour notre part, nous filons à gauche, en direction de Grimentz. Le village est donné à 3h de marche, puis 10 minutes plus tard à 2h30 ! Voilà une nouvelle réjouissante. La trace très large redevient sentier alors qu’on se dirige vers Le Biollec (Le Biolec). Une flèche peinte sur un rocher nous embarque dans la descente proprement dite : il s’agit du flanc de montagne qu'on avait admiré tantôt depuis Grand Plan. Un festival de couleurs en automne ! La rude descente facilitée par quelques câbles utiles ne dure que 40 minutes.

C'est sur une sorte de rond-point, vision surréaliste à cet endroit isolé, que le sentier débouche sur la route. Quelques minutes plus tard on passe devant les chalets de Biolec [2021m, 5h45]. On reste dorénavant sur la route asphaltée jusqu’à retrouver les sentiers foulés le matin. Route ou sentiers nous ramènent à notre point de départ. La boucle est bouclée en environ 7 heures.

L’auteur a parcouru cet itinéraire alors qu’une liaison par télécabine entre Grimentz et Sorebois était en construction. Au point 2693 du domaine skiable, une grue gigantesque s’attelait à la tâche. La jolie combe de Tsirouc gardera-t-elle sa virginité ? La question reste posée.